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A. - LES NOBLES Les deux frères Hippolyte et Hyacinthe ALÉNO DE SAINT-ALOUARN émigrent, le second à Jersey. Aimé le fougueux n'a que faire des prudences de ses frères. Le 25/VII/1792, il a 27 ans, il adresse à Louis XVI une lettre dans le plus pur style antique : « J'ai l'honneur de m'adresser à vous pour me procurer, s'il est possible, une carte pour entrer au château des Tuileries. Je suis un gentilhomme breton, et venu des extrémités de ma province ; abandonnant femme et enfants sous le glaive d'une anarchie affreuse, pour faire un rempart de mon corps au meilleur des rois et à son auguste famille. Personne plus que moi et ma famille n'est attachée à leurs Majestés. Périr à leurs pieds est mon devoir ». Il sera, presque, exaucé. La missive est retrouvée par les révolutionnaires : Aimé est guillotiné le 19/VII/1794, dix jours avant la chute de Robespierre (14). Leurs biens seront vendus (15). En 1832, Marie-Joséphine-Sylvie DE SAINT-ALLOUARN, fille d'Hippolyte, épouse à la Villeneuve Joseph DE PASCAL (16). Joseph DE PASCAL ainsi que son fils Hippolyte-Ferdinand, seront maires de Plomeur. (17) Leg par testament du 30/XII/1835 par Mademoiselle Anne Marie Pélagie ALÉNO DE SAINT-ALOUARN, décédée le 5/III/1838, d'une rente annuelle et perpétuelle de quarante deux francs, sise sur un lieu nommé Kermoal, fait à la fabrique de l'église succursale de Guengat (18). Poursuites contre Mademoiselle ALÉNO DE SAINT-ALOUARN pour le paiement d'une rente foncière et annuelle en 1834 (19). Le dernier du nom, fils de Hyacinthe, est le père DE SAINT-ALOUARN, de la compagnie de Jésus, mort en 1893, à l'âge de 90 ans (20) mettant ainsi un point final à une turbulente lignée (21).
B. - LE CLERGÉ Nicolas LOUBOUTIN, né à Guengat, le 1/V/1754, prêtre le 24/X/1778 (22). Signature de « LOUBOUTIN », dès le 13/III/1783 (23). Nommé le 16/XII/1788 (24) on retrouve la signature de « LE GORGEU, recteur de Guengat » à partir du 23/II/1789 (25). Texte du serment ecclésiastique : « 1790 : Je Jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m'est confiée, d'être fidèle à la nation, à la Loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le Roi » (26). Le recteur de Guengat, François LE GORGEU, avait d'abord prêté serment. Mais il reprit très vite sa parole, puisqu'à la fin de l'année 1791 sa paroisse était déclarée vacante. Il prit volontairement le chemin de l'exil : de Jersey il passa en Espagne (27) à Cuenca (28), sans doute pour y rejoindre ses confrères cornouaillais. Son vicaire Nicolas LOUBOUTIN avait juré et s'était rétracté en même temps que François LE GORGEU en décembre 1791 (29). Mais il se refusa à émigrer. Il resta sur le terrain, cinq années (de 1792 à 1797) durant, caché, exerçant un ministère clandestin (30). François PALUD, né à Quimper le 1/VI/1759, prêtre en 1787, précédemment vicaire à Kerfeunteun (31) fut nommé le 11/XII/1791 par les électeurs réunis à la cathédrale de Quimper, curé constitutionnel de Guengat (32). Du 27/XII/1791 au 17/I/1792, PALUD signa aux registres « recteur », puis jusqu'au 1/I/1793 « curé » (33). Signature « PALUD curé de Guengat » le 18/XII/1792 (34). La sévérité fut extrême pour ceux qu'on qualifia de « dénonciateurs ». C'étaient les constitutionnels qui avaient dénoncé leurs confrères insermentés aux autorités publiques, afin de les faire arrêter. « Le plus grand ennemi que j'eus dans le pays était LE HARS. Il a prêché différentes fois de tirer sur nous comme sur des sangliers », dit Nicolas LOUBOUTIN (35). Quel était le prône des constitutionnels du Porzay ? On ne sait. Par contre, celui d'Antoine LE HARS à Plogonnec et de François PALUD à Guengat est notoire : ils tiraient à boulets rouges sur les prêtres réfractaires et sur leurs fidèles. A Plogonnec et à Guengat, la tâche des prêtres réfractaires était à la fois plus dangereuse et plus facile. Plus dangereuse en raison de la vindicte des curés constitutionels ; plus facile, car le comportement de ces derniers n'était pas de nature à leur gagner la sympathie des paroissiens (36). Il est certain qu'Antoine LE HARS ne brillait pas par sa sobriété (37). On n'a même pas pu leur reprocher, comme on le fit à François PALUD, de bâcler leur ministère (38). La situation de tous ces prêtres qui avaient quitté leur paroisse légitime en entrant dans l'église constitutionnelle, fut bien difficile. On les appelait les « intrus », devenus curés d'une paroisse où ils n'avaient pas de titre canonique. C'est une faute très grave au regard du droit. Ils furent sévèrement condamnés par les insermentés. On les appela « loups ravisseurs », entrés par effraction dans la bergerie, pour faire un mauvais sort au troupeau (39). Dans le secteur, il n'y eut guère pendant toute la Révolution que deux prêtres insermentés à exercer un culte, parfois public, la plupart du temps clandestin. C'étaient Nicolas LOUBOUTIN et Ignace LE GARREC (40). Nicolas LOUBOUTIN nous apprend que vers le début de février 1794, il avait vu dans un village de Plogastel-Saint-Germain M. RIOU (recteur de Lababan, guillotiné à Quimper le 17/III/1794). Le receleur de M. RIOU, Jean GOULETQUER, avait été condamné à la déportation à vie. « Sur ces entrefaits, écrit M. LOUBOUTIN, j'eus l'occasion d'aller à Quimper ; j'intéressai un citoyen en faveur de ce malheureux ; il fit une pétition. Je la fis passer à la paroisse de cet homme où elle fut signée de tous ceux qui savent le faire ; je la remis à ce citoyen charitable et trois semaines après ce malheureux était dans sa famille » (41). A propos de la mort de M. RAGUENEZ (mort le 13/IV/1794), LOUBOUTIN raconte : « Nous avons été tantôt bien, tantôt mal. Les patriotes m'ont cherché au moins trente fois. Ils m'ont cherché dans une maison où j'étais, au moins cinq ou six fois ; surtout une fois dans un petit cabinet où ils avaient trouvé les effets de mon recteur (LE GORGEU), et où ils restèrent depuis onze heures du matin jusqu'à sept heures du soir. Leurs sabres touchaient nos souliers. Nous étions trois, M. LE MOUEL, recteur de Plobannalec, moi et un déserteur. Si nous avions eu le malheur d'éternuer, nous étions perdus » (42). Au printemps 1795 (an III), se fiant aux décrets octroyant la liberté du culte, François LE GORGEU revint au pays (43). A la reprise du culte, Nicolas LOUBOUTIN déclare le 31/V/1795, fixer sa résidence à Guengat (44). Le 31/V/1795, Nicolas LOUBOUTIN fit sa déclaration réglementaire devant la municipalité de Guengat et promis « d'être fidèle aux lois de la République » (45). La consigne était de ne pas communiquer avec les prêtres constitutionnels dans l'exercice du culte. Ainsi, au printemps 1795 qui fut « le temps de la liberté », on essaya, par ruse, de faire participer Nicolas LOUBOUTIN, vicaire insermenté de Guengat, à une cérémonie célébrée par François PALUD curé constitutionnel du lieu. « La municipalité me proposa de dire la messe à la paroisse qu'on aurait fixé une heure pour le constitutionnel et une autre pour moi. Devinant le but, je répondis que je n'avais pas exposé ma vie pendant trois ans pour communiquer aujourd'hui avec le citoyen PALUD. Ce dernier avait fait venir des scribes de Quimper pour m'épouvanter » (46). Nicolas LOUBOUTIN parle ensuite du « temps de la liberté ». C'était le printemps 1795, où la liberté du culte fut rétablie. Nicolas LOUBOUTIN continua à exercer dans le pays, et nous le voyons, en 1795, demander une cloison dans l'église, pour la séparer de la partie réservée aux assermentés. Le 13 messidor an III (1/VII/1795), les citoyens LE QUÉAU, maire et QUEMENEUR, officier municipal de Guengat, exposaient au Directoire du District « que le sieur LOUBOUTIN ministre du culte, le célèbre dans une grange ; que sur l'invitation qui lui a été faite de remplir ses fonctions dans l'édifice destiné à cet objet, aux heures indiquées par la Municipalité, il a été demandé qu'on y établit une cloison, ce qui d'après leurs observations, ne tendrait qu'à éterniser les troubles ». En réponse à cette lettre, le Directoire prenait un arrêté « faisant défense à LOUBOUTIN d'exercer son culte avec rassemblement dans tout autre local que les édifices d'usage » (47). Chaque prêtre pouvait se choisir une église ou chapelle, en promettant de ne pas troubler l'ordre public. Les prêtres insermentés refirent alors surface. Des paroissiens qui leur étaient fidèles demandèrent l'usage de chapelles pour l'exercice du culte. C'est ainsi qu'à Guengat, au début d'octobre 1795, Jean LOUBOUTIN (peut-être frère du vicaire) demandait à acheter Sainte-Brigitte. « Mais, dit le vicaire, l'intrus d'accord avec le maire ont fait échouer le projet » (48). Mais le temps de la liberté était terminé avant la fin de l'année 1795. La vie errante recommençait et il fallait à nouveau dire la messe dans une grange (49). En 1796 la présence de LOUBOUTIN est signalée à Briec avec celles d'Ignace LE GARREC, curé de Kerlaz, et de BESCON, prêtre de Kerfeunteun (50). PALUD, devenu officier public, il signe en cette qualité en l'an V et en l'an VI (1796-1798) (51). Le 1/X/1797, Nicolas LOUBOUTIN s'embarque pour l'Espagne à Lorient (52). Dès son arrivée à Medina-del-Campo, ses confrères exilés, avides de nouvelles de Cornouaille, lui demandèrent de mettre par écrit ce qu'il connaissait de la situation. Il y dit, en particulier, de ce que fut sa vie de prêtre traqué pendant cinq années. (...) « Nous n'avons pas toujours été aux noces. Malgré cela, si je n'avais craint de compromettre tout un pays, je n'aurai jamais quitté la France. Je suis inconsolable d'avoir abandonné tant de personnes qui se sont sacrifiées pour moi » (53). François LE GORGEU estimant aussi sa vie en danger, réembarqua pour l'Espagne en compagnie de tout un lot de pêtres cornouaillais en octobre 1797 (54). A Quimperlé le 7/X/1797, il demande à la municipalité un passeport pour l'Espagne. Embarqué le lendemain sur le bateau « Les Deux-Amis », il aborde à Saint-Sébastien le 23 vendémiaire an VI (14/X/1797) (55). Yves FROLLO DE KERLIVIO, ancien carme de Rennes, retiré à Guengat, prête le serment de haine à la royauté en juin 1798 (56). Il y eut cependant une intervention des chouans dans ce secteur. C'était le 29/X/1799, au bourg de Guengat. On peut se demander si l'objectif de cette bande n'était pas de jouer un mauvais tour au citoyen PALUD curé constitutionnel du lieu, de l'humilier, de le tourner en ridicule, et de s'amuser du spectacle (57). « Je soussigné, commissaire du directoire exécutif, DAMEY, rapporte sur le présent pour recours y être apporté au besoin, que le citoyen Henry QUÉINNEC agent de la commune de Guengat et PALUD ministre du culte au bourg m'ont fait part ce qui suit. Hier à huit heures du soir sont arrivés au bourg de Guengat soixante hommes armés de pistolets et fusils, que quatre d'entre eux se sont présentés de suite chez le citoyen PALUD, se disant colonne mobile et le chef se désignant PASCAL, que d'après un refus formel d'ouvrir, ils ont cherché à défoncer la porte, que sur ce la porte a été ouverte sur leur parole d'honneur qu'il ne serait point fait de mal, qu'ils ont d'abord demandé le percepteur qui avait été percevoir ce jour-là dans cette commune et qu'ils leur fallait quinze cents francs pour la caisse royale et Louis XVIII, que sur ce le citoyen PALUD a répondu que le percepteur était parti depuis deux heures que les fonds qu'il demandait étaient plus qu'il ne pouvait leur donner que sur ce ils ont fouillé en tout endroit chez lui, prenant de tous côtés ce qu'ils croyaient leur être propre, puis deux cent dix francs et trois couverts d'argent, que de là ils ont fait le dit PALUD les conduire chez le citoyen Guillaume COSMAO où ils ont fait la levée de cent vingt francs sous le cautionnement du dit PALUD qu'ils ont requis de passer acte de la somme devant notaire. De là chez Hervé LE PAVEC où ils ont enlevé quatre cent quatre vingt francs. De là chez Michel DOUÉRIN, cabaretier, ont exigé la somme de vingt écus, puis chez le citoyen Henry QUÉINNEC agent, où ils ont pris trente trois francs, puis pris une hache pour couper l'arbre de la liberté. Ayant pris toutes les dites sommes, sous le cautionnement susdit du citoyen PALUD auquel le commandant a donné une accolade royale et qu'il a prié en le faisant reconduire chez lui de rétracter son serment dans quinze jours pour être reçu agréablement
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